Le Roman Conjugal de Monsieur Valmore (1936) Les éditions de France, Paris 1937 |
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Author:
| Praviel, Armand |
ISBN: | 979-8-7807-2059-1 |
Publication Date: | Dec 2021 |
Publisher: | Independently Published
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Book Format: | Paperback |
List Price: | USD $22.56 |
Book Description:
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Oh ! que ta dernière lettre m'a fait mal ! Pourquoi, Prosper, es-tu triste à ce point du passé ? Pourquoi te navrer de ce qui n'est plus et des peines confuses dont tu m'as toujours épargné la connaissance ? Par quel miracle aurais-tu échappé aux entraînements que la chaleur de l'âge et les facilités de notre profession plaçaient devant toi ? Tu es assurément le plus honnête homme que je connaisse au monde, et je veux qu'une fois pour toutes tu apprécies à leur juste...
More Description Oh ! que ta dernière lettre m'a fait mal ! Pourquoi, Prosper, es-tu triste à ce point du passé ? Pourquoi te navrer de ce qui n'est plus et des peines confuses dont tu m'as toujours épargné la connaissance ?
Par quel miracle aurais-tu échappé aux entraînements que la chaleur de l'âge et les facilités de notre profession plaçaient devant toi ? Tu es assurément le plus honnête homme que je connaisse au monde, et je veux qu'une fois pour toutes tu apprécies à leur juste valeur des incidents que tu n'as pas cherchés et qui n'ont rien rompu de l'inviolabilité de nos liens. Laisse donc aller ces jours frivoles. Ils étaient inévitables avec les idées reçues du monde. Ne soyons pas plus austères que Dieu même et ses bons prêtres qui relèvent et embrassent leurs enfants de retour... Je n'en veux à personne de t'avoir trouvé aimable, mon cher mari. N'avaient-elles pas à me pardonner d'être ta femme, et, franchement, de ne pas mériter un tel bonheur ?
Mais cette union était marquée du ciel, voulue par ton père et nos amis que je remercie encore et toujours de m'avoir choisie, car je t'aimais tant ! Et trouves-tu que je ne t'aime plus de toutes les facultés de mon âme ? Sois sûr de moi, cher ami, dans la vie et dans la mort et reçois mes actions de grâces pour la tendresse dont tu payes la mienne, je ne la changerais pour quoi que ce soit dans le
monde, et je te suivrai avec joie partout où Dieu sera assez bon pour nous permettre de vivre ensemble. Je te conjure de trouver là dedans toutes les compensations du passé dont les rêves tristes n'existaient plus pour moi. Je te prie de les traiter toi-même avec indulgence et de rien haïr de ce qui t'a aimé[14].
Sur ce dernier mot peut-être, Valmore aurait pu poursuivre l'enquête. Il n'osa point. Au lieu de demander d'où aurait bien pu provenir une telle indignité, il crut plus habile de se faire encore plus humble, d'attester le ciel que c'était lui le coupable, lui qui avait entraîné dans une existence affreuse un ange comme elle ! Fausse manoeuvre dont elle profita pour reprendre l'avantage, et avec quelle maîtrise !
Tiens, Valmore, tu me fais bondir hors de moi-même en me supposant une si petite et si vaine et si basse créature ! Me supposer une idée ambitieuse, un regret d'avarice ou d'envie pour les plaisirs du monde, c'est me déchirer le coeur qui n'est rempli que de toi et du désir de te rendre heureux...
... Je te suivrais avec joie au fond d'une prison ou d'une nation étrangère, tu le sais, et ces pensers, pour mon malheur, ne t'assaillent jamais qu'après la lecture de mauvais barbouillages, dont j'ai honte, en les comparant aux belles choses que tu m'as donné le goût de lire. Après quoi, je te dirai simplement, vraiment et devant Dieu, qu'il
n'existe pas un homme sur terre auquel je voulusse, appartenir par le lien qui nous unit. Tous leurs caractères ne m'inspireraient que de l'effroi. Ne te l'ai-je pas assez dit pour t'en convaincre ? Mais, hélas ! c'est donc vrai : « On ne voit pas les coeurs ! »